Ode aux Alpes

Qui donc a inventé les Alpes ? Charlemagne encore lui ? Que nenni ! Ce fut bien sûr Henri Desgrange qui en 1911, non content d’avoir glissé les Pyrénées sous les roues des coureurs du Tour l’année précédente, a craqué pour le Galibier. Le vaillant Emile Georget, premier vainqueur de ce sommet dantesque, eut beau passer devant lui « la moustache pleine de morve, le maillot sali des pourritures du dernier ruisseau où, en nage, il s’était vautré », le père du Tour eut une illumination qu’il traduisit avec son lyrisme habituel dans les colonnes de l’Auto : «  Oh ! Col Bayard ! Oh ! Tourmalet ! Je ne faillirai pas à mon devoir en proclamant qu’à côté du Galibier vous êtes de la pâle et vulgaire bibine : devant ce géant, il n’y a plus qu’à tirer son bonnet et à saluer bien bas ». La messe était dite : les Alpes après les Pyrénées seraient l’autre plat (mais tout sauf plat) de résistance, copieux et parfois indigeste, pour les prétendants au maillot jaune (créé lui en 1919).

 

Avec le recul, Desgrange avait vu juste. Que d’exploits signés dans ce jeune massif aux arrêtes pointues, au décors déchiquetés et caillouteux. Ainsi la fameuse Casse Déserte de l’Izoard dont Bobet fit son jardin à son firmament, y cueillant ses plus beaux bouquets. Comme avant lui Gino Bartali. Ou après lui Eddy Merckx et Bernard Thévenet, en 1972 et en 1974. Que serait le Tour sans l’Alpe d’Huez que Coppi conquit avant tout le monde en 1952 ? Quant au Galibier chanté par le père du Tour, ce n’est pas cette année hélas qu’il verra briller un nouveau Charly Gaul ou un enfant de Van Impe. Des éboulements de printemps ont interdit son accès. Oh Galibier ! Comme tu vas nous manquer !

Publié par Rémi Pietton / Catégories : Non classé