En regardant hier le petit colombien Nairo Quintana collé à la roue arrière de Chris Froome, il m’a semblé que l’emprise exercée sur lui par le coureur britannique relevait d’une histoire déjà connue. Nous étions dans l’ascension du Puy-de-Dôme en 1964 et Anquetil bluffait Poulidor. Cette année-là le Normand était à la portée du Limousin. Un peu plus d’audace et de confiance aurait sans doute permis à Poulidor de creuser un écart décisif dans le mont d’Auvergne, et la face du Tour en aurait été changée. Mais qu’aurait rapporté un maillot jaune à Poupou ? Assurément une perte de popularité – Antoine Blondin inventa même ce mot merveilleux de poupoularité. « Ma chance c’est d’avoir eu de la malchance » a souvent répété le bon Raymond. Déjà deuxième du Tour en 2013, Quintana devrait sauf coup de théâtre occuper la même place demain à Paris. Premier après Froome, premier après l’extra-terrestre. Comme était jadis inaccessible Anquetil pour Poulidor. Le grimpeur colombien est-il promis à la même faveur du public ? C’est déjà le cas dans son pays où il est prophète depuis des années, une sorte de dieu Inca vivant. En France, il lui manque encore quelques faits d’arme qui le rendraient moins abstrait. Il faudrait qu’il fende l’armure, qu’il attaque sans arrière-pensée, sans avoir l’air battu d’avance. Qu’il prenne le risque de gagner au risque de tout perdre. Facile à dire, mais on peut encore espérer un « tout pour le tour » sur les pentes de l’Alpe-d’Huez. La popularité de Poulidor fut une longue suite de coup de déveines et de coups d’éclats. Je ne souhaite pas la guigne à Quintana, mais plutôt la gagne !