Le Tour a plus d’un tour dans sa musette. S’il garde sa magie, c’est qui nous réserve toujours des surprises même quand on croit en avoir déjà vu de belles, et de toutes les couleurs. Comme l’arc-en-ciel qui entourait le torse du puissant Peter Sagan avant qu’il ne ravisse la Toison d’or à Marc Cavendish. Mais le héros de la journée fut d’abord ce jeune belge de 24 ans, Jesper Stuyven, animateur infatigable d’une échappée au long cours fauchée dans l’ultime difficulté, la côte de la Glacerie, un nom qui jette un froid. Infatigable, Stuyven ? Non, hélas, mais si vaillant qu’à 400 mètres de l’arrivée, il luttait encore avec l’énergie du désespoir, mais en vain, pour repousser le retour fatal du peloton et du (très) fort Sagan.
Cette leçon de sport, chacun de nous l’a prise et apprise. C’est le lot des coureurs à chaque étape. Rien n’est perdu tant que la ligne n’est pas passée. Rien n’est gagné non plus. Imaginer que moins de 500 mètres ont manqué pour transformer une échappée de franc-tireur en victoire, voilà de quoi rester sans voix ! Cette débauche d’efforts et cette générosité dans le coup de manivelles ont forcé notre empathie. On avait envie de le pousser quand le compteur tomba dangereusement à 16km/h. Mais on ne gagne pas une course avec de bons sentiments. La meute n’a fait qu’une bouchée au finish du pédaleur solitaire. Parions pourtant que sa jeunesse flamboyante saura construire sur cette défaite de grandes victoires. La classe finit toujours par payer.
Eric Fottorino