La chaleur sur la route du Tour, c’est aussi vieux que le Tour. La chasse à la cannette, les arrêts par grappes de coureurs autour des fontaines, les razzias aux terrasses de café (les bistrotiers adressaient la facture à Jacques Goddet), ces images sont devenues sépia. Elles appartiennent à une autre époque, quand les coureurs devenaient bossus en glissant sous le maillot, à hauteur de la nuque, une éponge gorgée d’eau. Où lorsqu’ils accrochaient à leur casquette une large feuille de chou qui leur faisait une étrange chevelure verte et boursoufflée. Stratagème grossier mais efficace pour échapper à l’insolation.
Le mot est lancé. Echapper, s’échapper. Les temps ont changé là aussi. Les tickets de sortie donnés aux baroudeurs ne les emmènent plus guère au terminus. Le peloton est un gros boa constrictor à digestion lente. Avec un brin de sadisme qui lui fait rattraper ses proies en vue de la ligne d’arrivée ou presque, comme s’il préférait ses victimes bien cuites. Hier encore, le duo polono-japonais qui a mis le nez à la fenêtre pour une virée au long cours épousant les méandres du Lot s’est fait revoir à moins de dix bornes du but, succombant à la dure loi du peloton s’imposant aux maquisards isolés. Ils se sont sentis bien seuls sous le soleil, Arashiro et Barta. Que n’ont ils entrainé dans leur sillage, au kilomètre 3 qui les vit sortir du bois, quelques bons et solides compagnons de voyage ! Résultat : les trains de sprinters lancés sur la voie royale ont écrasé leurs espoirs de gagne. Et nos envies d’assister à un dénouement imprévu, une sorte d’entorse à un scénario un peu trop convenu…
Eric Fottorino