Rendez-nous les visages des champions !

Une journée de repos pour les coureurs. Une journée de répit pour les suiveurs. Et quelques réflexions buissonnières avant d’aborder la deuxième semaine de course. Les paysages sont beaux, la France est belle, l’Espagne aussi. Et le Tour, lui ? D’où vient cette sensation de le trouver un peu convenu, un peu moins excitant. Et pour tout dire, moins émouvant. Parole de grincheux chantre du « c’était mieux avant » ? Absolument pas. Il faut vivre avec son temps, et aimer ce que l’on a, quand on n’a pas (tout) ce que l’on aime. Alors ? Alors c’est une trilogie qui me chagrine, qu’on pourrait ainsi décliner : oreillettes, casquettes, lunettes. Les oreillettes sont devenues omniprésentes pour chaque coureur du Tour depuis 2002. Adieu impétuosité, spontanéité, instinct du chasseur, opportunisme fou. Adieu la beauté du geste gratuit. On ne démarre qu’aux ordres du starter, comprenez du directeur sportif qui murmure (ou crie) à l’oreille de ses petits chevaux.

 

La casquette, au contraire, a disparu au nom de la sécurité. On ne saurait s’y opposer. Et pourtant, un coureur avait du style avec la visière baissée ou relevée la visière de travers, ou en arrière les jours de soleil. Elle faisait partie du folklore, elle participait à la fantaisie ambiante. Les gamins chassaient la casquette comme sous la canicule les coureurs chassaient la cannette.

 

Quant aux lunettes de soleil (portées même quand il fait gris…), c’est le meilleur moyen de tuer l’émotion qui passe à travers un regard. Voir les yeux d’un concurrent, c’est lire à livre ouvert la souffrance, la défaillance, la rage, l’assurance, le calme ou la nervosité. Contador a abandonné dimanche sur les routes de son pays. On n’a pas même vu l’expression de son regard ! Parfois un vainqueur d’étape se présente sur le podium tête nue et sans lunettes. Il arrive même de découvrir devant la caméra sa femme et ses enfants. Ouf, ce ne sont pas des Robocop ! Mais quand les dirigeants du cyclisme comprendront-ils qu’une vitrine aussi prestigieuse que le Tour ne peut être à ce point banalisée, sous peine de voir un jour le public se détourner. Alors un mot d’ordre : rendez-nous les visages des champions ! 180 Daft Punk dans un peloton, c’est ennuyeux, à la longue…

 

Eric Fottorino

Publié par francetvsport / Catégories : Non classé