Platini, sanglé dans un costume sombre, sous ses airs patelins, apparait épanoui, sûr de sa force. Plus grand chose désormais ne peut l’atteindre et surtout pas les interrogations de journalistes, Il élude d’un revers de main les questions qui fâchent, rappellent que les décisions prises par les instances du football (Qatar, arbitrage, fair play financier) le sont sous couvert de démocratie sans toutefois mentionner à quel type de consensus, il fait allusion.
Il distribue les bons points, fronce les sourcils à l’occasion. Il rétablit Laurent Blanc dans son rôle de responsable des destinées des bleus en marinière et renvoie Chantal Jouanno à son ministère. De l’hommage que Dominique Le Glou lui consacre, en proposant à la jeunesse sans mémoire, un florilège de ses exploits oubliés, l’ancien meneur de jeu, passablement dissipé, ne retient que des bribes. Bref Platoche gère en père tranquille le quotidien du football en guettant patiemment l’étape suivante. La vacance de la présidence suprême, celle de la FIFA.
Tout ou presque lui a réussi jusque là. Joueur d’exception à 30 ans, sélectionneur honnête à 40, président émérite à 50. Assis à côté de moi à la table de Stade 2, Docteur Platini, comblé et par conséquent attentif aux autres, prends un peu de son temps pour se pencher au chevet de Marc Liévremont le sélectionneur du quinze de France.
Marc n’en est encore qu’à la mi-temps de sa vie professionnelle. Il est resté retranché dans la loge maquillage pendant une bonne demi –heure. Pas besoin d’avoir fait des études de psychologie pour sentir à quel point il est en souffrance.
Son palmarès en tant que joueur parle pourtant pour lui. 25 sélections, une finale de coupe du monde, un tournoi victorieux. En tant qu’entraîneur aussi, il reste sur une campagne victorieuse dans le championnat vedette de l’hémisphère nord. Mais voilà il a suffi d’une défaite concédée d’un point en Italie pour déchaîner la meute lancé à ses trousses. La presse dans son ensemble le déchire à pleines dents. »
Doit-il Partir ? » « Faut-il virer Liévremont avant la coupe du monde ? » Et pourtant avec un drop de raccroc, une pénalité de rien du tout, tapés entre les perches dans le ciel romain et la France remportait de haute lutte ce tournoi 2011. A quoi tient la cote d’un sélectionneur ? A un clin d’œil du destin. Parvenir à gagner le jour où l’équipe est mauvaise.
Les exemples pour relativiser les trous d’air et les performances ne manquent pas pourtant. L’Angleterre rossée par l’Irlande, une semaine après avoir été portée aux nues.
Platini lui chuchote à l’oreille, le prend par les épaules. Lui aussi visiblement est passé par là. Trop tendre, trop transparent avec les médias. Trop humain et trop vulnérable pour tout dire. « Je mets un point d’honneur à tenir le même discours devant les joueurs et en conférence de presse. » Se défend encore Liévremont.
La rondeur et les discours politiques ne s’acquièrent que sur le tard lorsque vient le temps des présidences. En face des deux hommes, Fabien Galthié, l’entraîneur de Montpellier et le consultant rugby attitré de France Télévisions, ne semble guère à son aise. Certaines mauvaises langues l’accusent même en coulisses d’être de ceux qui guettent l’opportunité de prendre la place, le jour où….
Galthié observe silencieux, les réactions de Liévremont quand on lui sert les témoignages à charge de Guy Noves et de Bernard Laporte. Ceux là ne ménagent pas leurs critiques. Marc Liévremont selon eux ne serait plus l’homme de la situation. Les défaites de l’hiver lui collent à la peau et disqualifient par avance ses campagnes à venir.
Mauvais et éternel procès de la part de ceux qui font mine d’ignorer la guerre sans relâche que se livrent la ligue et la fédération. Platini en deux mots souligne l’ubuesque de la situation. Même le foot du business n’est pas parvenu à ce tour de force. Faire jouer les clubs et l’Equipe nationale en compétition officielle le même jour !
Les deux hommes soudain ne font plus qu’un. Marc et Michel parlent d’une seule voix de l’arbitrage vidéo, de l’amour du maillot menacé par l’économie toujours plus puissante générée par les clubs. » L’année prochaine si cela continue, le Top 14 comptera 60% de joueurs étrangers. » Liévremont semble revigoré tout à coup. Il ne parle plus de quitter précipitamment la table pour aller prendre son avion pour Biarritz.
Que lui a chuchoté vraiment le docteur Platini à l’oreille ? Le voilà en tout cas qui relève la tête, parle des deux mois dont il disposera bientôt pour préparer les bleus de France en vue de la coupe du monde, de sa confiance inébranlable dans ce groupe capable de toutes les audaces, de tous les exploits.
Mister Liévremont soudain est reparti au combat.