J'aime les perdants magnifiques !

C’est plus fort que moi. J’éprouve toujours une immense tendresse envers les perdants surtout quand ils sont magnifiques. La semaine qui vient  de s’écouler n’a pas, de ce côté-là,  été avare en « loser d’envergure ».

Jo Tsonga tout d’abord, capable du plus grand respect vis-à-vis du maître de Wimbledon, Roger Federer terrassé en 5 manches. Le même Tsonga impressionnant de dignité lorsqu’au tour suivant il subit la loi d’un implacable Djokovic. J’ai eu l’occasion de converser, il y a un an ou deux,  avec  Jo dans la loge de maquillage de Stade 2. Sa simplicité et son humanité m’avaient déjà frappé à l’époque. Il entamait une carrière prometteuse.

Aujourd’hui, après avoir confirmé tous les espoirs que l’on plaçait en lui, son attitude n’ait pas varié d’un iota. Jo a su rester lui-même. C’est la marque des plus grands. Dans une interview le soir de sa victoire contre Federer, Jo a parlé d’une journée rendue  inoubliable par la libération de nos deux confrères otages.

J’ai suivi avec attention le parcours des basketteuses de l’équipe de France engagée dans leur championnat d’Europe en Pologne. Tenantes du titre, les bleues ne se sont pas cherchées d’excuses lorsqu’elles ont fini par craquer en prolongation face à la Turquie. J’ai particulièrement apprécié l’attitude  d’Emmeline Ndongue l’un des pivots de l’équipe, gravement blessé au tendon d’Achille au début de la compétition. Emmeline  après avoir été opérée a tenu à revenir à Lodz pour soutenir ses copines. De la voir sur le banc, ronger son frein, bouillant d’entrer sur le parquet pour inverser le cours des choses avait quelque chose à la fois de poignant et de réconfortant.

Une athlète de très haut niveau n’est jamais aussi respectable que quand elle fait preuve à ce point d’altruisme.

Aux Essarts, à l’arrivée de la deuxième étape du tour de France, Alberto Contador s’est exprimé sur le plateau de Stade 2 pour la première fois dans la peau du loser.

Je dois reconnaître que je n’éprouvais pas jusque là envers lui de compassion particulière. Contador se bornait à représenter, l’implacable machine à gagner qui avait mis un terme à l’hégémonie d’Armstrong. Ce dimanche j’ai découvert la face cachée d’Alberto. Celle d’un homme acculé, en plein doute, hué par la foule, relégué au classement général à près de deux minutes de ses principaux rivaux. Lorsque mon confrère Nicolas Geay lui  a demandé ce qu’il avait ressenti  lorsque le public vendéen l’avait conspué, Alberto a éprouvé quelque peine à répondre. Il était manifestement au bord des larmes. Dans la défaite et l’adversité, il était redevenu un homme fragile et ordinaire. Il aurait pu refuser de se montrer sous ce jour si inhabituel pour lui. Il a assumé ses faiblesses et à mes yeux,  cette marque de courage l’a considérablement grandi. Andy Schleck à mes côtés, visiblement ému,  a tenu à souligner tout ce que le sport cycliste contenait de souffrances.

A l’occasion du meeting d’athlétisme de Sotteville, j’ai pu apprécier l’abnégation des bénévoles, de ces amoureux  de l’ombre qui mettent tout en œuvre pour que leur discipline de prédilection  survive au marasme économique. Impossible sans leur dévouement aujourd’hui en France de monter une réunion de haut niveau. Pas ou peu de sponsors. L’entrée a beau être gratuite, les organisateurs peinent à remplir leur stade.

Les athlètes de renom, enfermés dans leur bulle  ont-ils réellement conscience de l’abnégation de ces flamboyants anonymes ?

Vincent l’une des chevilles ouvrières de la réunion  a eu l’idée en  préambule de présenter au public les champions accompagnés de leur entraîneur respectif. La plupart ont accepté sa proposition  avec enthousiasme. Seul l’un d’entre eux s’est fait tirer l’oreille.

Vincent a été dans l’après midi contacté par l’agent de cet athlète. » Et si le coach est présenté au public, combien lui donnez-vous ? »

Il est toujours préférable qu’un vainqueur pathétique, abusé par un ego démesuré,   puisse conserver l’anonymat. Vous ne m’en voudrez pas j’espère de lui préférer les perdants magnifiques.