La meilleure chose à faire quand il ne se passe rien est encore de se retourner vers le passé pour mieux envisager l’avenir.
Le sport de janvier incite à la pause. Bien sûr la vie continue. Il faut bien vendre et inventer au besoin ce qui n’existe pas. Le mercato d’hiver ronronne. Le calendrier s’offre des brèches insensées. Les athlètes retrouvent les terrains d’entraînement le corps alourdi par les agapes.
Les Zlataneries ont fait long feu. Les journalistes se rabattent sur Lucas Moura. Ce génie encore méconnu que l’on annonce comme le nouveau Messi(e).
Lucas à l’insu de son plein gré réécrit Martine. Lucas au Brésil. Lucas prend l’avion. Lucas découvre ses nouveaux amis. Lucas s’entraîne. Lucas joue 10 minutes. Lucas s’acclimate. La collection de poncifs est inépuisable.
A la place de Suzanne Vega, je tenterai un remix à destination des supporters affamés. » My name is Luka »
Le sport se moque du temps et du contexte historique. Il ignore la crise. Les victoires comme les défaites ne sont que des péripéties. Une saison, un championnat, une ligue des champions, chassent l’autre.
Les passionnés n’envisagent le présent que comme un inventaire sélectif de leurs joies passées et des promesses de leurs bonheurs futurs. PSG made in Qatar comme Lucas Moura n’ont encore rien prouvé. Mais ils perpétuent l’espoir d’imiter bientôt l’OM de Boli ou les verts de Larqué.
En fouillant dans un placard épargné je suis tombé sur un document édifiant daté de 1962. A cette époque il n’y avait en France qu’une seule chaîne de télévision. Pas encore de service des sports. L'actualité sportive est accolée au journal télévisé. L’une des pages spéciales d’elle s’intitule « Faisons le point »
Installés autour d’une table basse, les journalistes parlent de tout et de rien.
Robert Chapatte le spécialiste du cyclisme évoque l’affaire de "doping " qui entache la réputation du tour de France. Au banc des accusées, les équipes de marque qui par leur avidité commerciale imposent des cadences infernales et menacent l’intégrité physique des coursiers. Robert regrette le temps béni des équipes nationales. Courir pour la France avait tout de même plus de cachet que de transpirer pour Ford ou Mercier. A ses côtés Claude Darget, imperturbable et pince sans rire, tire sur sa pipe. « Si j’ai bien compris Robert, la France du sport préfère désormais l’apéritif au drapeau ! «
Darget entre deux bouffardes, dans la foulée, stigmatise ce tennis qui continue de distinguer les joueurs amateurs des professionnels et rechigne à entrer dans l’ère open. Il milite pour que les meilleurs puissent enfin en découdre sur un court.
Roger Couderc n’est pas encore le chantre du rugby. Quand il prend la parole c’est pour regretter que la Formule 1 n’ait pas encore trouvé un digne successeur à Juan Manuel Fangio.
Raymond Marcillac enfin le chef du service , ancien coureur de 400 mètres, évoque l’exploit du nageur Alain Gottvalles qui vient de porter le record national du 100 mètres nage libre à 56 ‘’ à moins de 3 secondes du record du monde de brésilien Dos Santos.
Marcillac pour conclure promet à Michel Jazy des lendemains qui chantent. Le record du monde du 1500 mètres détenu par Herb Elliott et un titre olympique aux prochains JO de Tokyo.
A bien y regarder, rien ne différencie « Faisons le point » de tous les Stade2 proposés depuis plus de 35 ans.
Si la multiplication des canaux de diffusion a banalisé la profession de journaliste, l’actualité sportive inventorie toujours les mêmes dérives, ressasse toujours les mêmes rengaines. Qui monte, qui descend, qui enrage et qui espère ?
« Le futur du passé est au coeur du fonctionnement sportif circonscrit dans une mémoire fermée. » Analyse finement Driss Abbassi.
Prisonnier de sa bulle le passionné de sports ne voit pas le temps passer, le monde se transformer.