Les dunes qui nous invitent ce matin-là ne nous sont pas inconnues. Il y a bientôt 4 ans, le petit monde du Dakar les appelait les dunes de Nasca. Pourtant nous sommes dans l’étape San Juan de Marcona-San juan de Marcona. Explication : Nasca n’apparaît plus dans la com’ du Dakar car beaucoup croyaient, en voyant « Nasca » dans les communiqués et autres réseaux sociaux, que le Rallye allait rouler sur les célèbres géoglyphes ou lignes de Nasca, pulvérisant du même coup un patrimoine culturel majeur. Voilà pourquoi Nasca a disparu des repères géographiques du Dakar.
Qu’elles portent un nom ou pas, ces dunes sont terribles. Depuis la Panaméricaine au Sud de Nasca, on monte à 1000m d’altitude pour se retrouver dans ce terrain de jeu aussi pénible à traverser qu’il est somptueux à regarder. Tous les pièges répertoriés dans les manuels de Rallye Raid sont au menu de cette étape au drôle de dessin. Lorsqu’on regarde le tracé sur une carte, on dirait une aile de papillon totalement biscornue.
Vu d’en haut, on comprend que l’on va serpenter au maximum pour exploiter au mieux le terrain de jeu : 1500 km2 de dunes à traverser, tout en circonvolutions.
Vu de l’intérieur de la voiture, c’est le grand huit permanent. On monte en pente douce mais la descente qui suit est presque un à pic. Parfois c’est l’inverse et il faut s’y prendre à dix fois pour gravir le sable si peu porteur. Plus loin les dunes sont cassées, irrégulières ; impossible de relancer le véhicule correctement. On est secoué, on prend littéralement des coups dans l’habitacle. Plus loin encore trois, quatre cuvettes semblent avoir été posées là à seule fin de nous engluer une fois pour toutes. On arrête pas de s’arrêter, de vérifier que l’autre est bien derrière soi. Les coups de sangle se multiplient ; il faut sans cesse sortir la précieuse corde pour aider son prochain à se désensabler.
Je suis monté dans la voiture qui écrit le road book. Jezequiel se démène comme il peut au volant pendant que Xavi lui indique des caps qu’il s’agira de remettre au propre le soir sur le livre de route distribué aux concurrents à leur arrivée pour l’étape du lendemain.
Je demande à Xavi Colomé comment on s’y prend pour les contraindre à passer ici plutôt que là : « On leur donne des waypoint qu’ils doivent valider dans le GPS fourni par l’organisation. Quand tu passes suffisamment près du waypoint (rayon de 300m) le GPS fait un gros « bip ». Tu sais que tu es sur la bonne route mais tu n’as pas d’indication pour la suite et tu dois te concentrer sur le cap suivant. A l’arrivée au bivouac, ton GPS est contrôlé et si tu n’as pas validé tous les waypoints du jour, tu reçois des pénalités de temps ». C’est le principe des cailloux du Petit Poucet version Rallye Raid. Il y a plusieurs catégories de waypoint en ce sens qu’ils sont plus ou moins précisément indiqués par le GPS. Parfois une flèche sur l’écran indique momentanément la direction à suivre jusqu’au point mais la flèche disparaît juste après. « L’idée n’est pas de leur compliquer la vie mais de les forcer à ne pas aller tout droit dans les dunes, continue Xavi. Et le GPS ne doit pas tout leur dire sinon les copilotes seraient au chomage, sourit-il. » Cette nouvelle façon de concevoir le road book, surtout dans les phases hors-piste de la course, a tout de même donné de belles migraines à tous les concurrents l’année dernière. Mais manifestement, cette part belle laissée à l’interprétation du roadbook et à l’instinct des navigateurs a eu son succès. « On a rien changé par rapport à l’an passé. C’est le terrain qui change, surtout au Pérou. Cette année il va vraiment avoir l’œil sur les caps et les distances entre les changements de cap, conclut Colomé ».
Pendant que je devise en roulant avec Xavi et Jézequiel, Stéphane et LAG à quelques dunes de là se retrouvent sur le toit ! Une marche de sable tassé, une fraction de seconde d’inattention et boum !
La preuve suprême que ces dunes vous vont faire la cabriole même à très faible vitesse. Notre voiture est vite remise sur ses roues, Stéphane et LAG sont indemnes. Fin des émotions et de la journée. On dormira là. Au creux des dunes.